Alix regardait la porte à travers les lunettes de Frédérik assit devant lui. Ce cours de français n’en finissait plus! En plus, la professeur avait refait le plan de classe, et elle n’était plus à côté de son ami. Bon, Alix était derrière mais elle ne pouvait plus parler avec Fred. Alors elle s’amusait à faire bouger sa veste avec ses pieds. Alix était blonde, aux grands yeux verts amande, aux cheveux très courts et bouclés. Avant que son père ne parte, elle les avait longs comme une princesse, car son père ne voulait pas avoir de fille-garçon. Malheureusement pour lui, sa fille avait tout l’air d’un garçon manqué. Elle passait des heures dans la campagne avec Guillaume, Tanguy et Fréderik, faisant des cabanes et des parties de foot. Fred était plutôt petit pour son âge-les deux adolescents avaient quatorze ans- et brun aux cheveux peu longs. Ses yeux noirs brillaient dans le crépuscule hivernal. Le lien qui l’unissait à Alix était purement amical. Fred reporta son attention sur la prof.
- Les propositions subordonnées peuvent être relatives ou…?
Le jeune garçon se retourna et adressa un sourire à Alix. Celle-ci sourit à son tour, mais remarqua que Frédérik avait un bleu à la joue qui n’était pas là la veille. Elle se promit d’en parler à son ami à la récréation. Elle leva la main pour répondre à la question des subordonnées, mais le professeur ne l’interrogea pas, préférant appeler Vincent. Alix serra les poings de frustration. Pour une fois qu’elle levait la main! Mais non, apparemment elle allait encore avoir une mauvaise note à l’oral ce trimestre. Bah, si la professeur préférait interroger quelqu'un d'autre qu'elle, ce n'était pas son affaire. Elle reporta son attention sur l'elfe crayonné qu'elle venait de terminer sur son classeur. Pas terrible, les yeux..Un coup de gomme par-ci, du crayon par-là..Voilà qui était mieux !
–Vous pouvez ranger vos affaires ! Il ne va pas tarder à sonner !
Alix sursauta. Elle ferma sa trousse après avoir noté les devoirs à faire pour le lendemain, puis se leva avec les autres, et couru rejoindre Guillaume et Fréderik.
–Hep, Fred ! C'est quoi que tu t'es fais à la joue ?
–Ah, bah en fait, hier, je me suis cogné contre la porte en entrant. C'est très con, mais c'est bien ce que j'ai fais.
–Ahaha! Mon pauvre Fred, va falloir t'acheter des yeux !
–Pourquoi pas, j'en ai vu en vente sur E-Bay..
Ils rirent en descendant les escaliers et retrouvèrent Emilien et Françoise devant la porte du cours de SVT. Le professeur les autorisa à déposer leur sacs avant d'aller dans la cours. Françoise déposé son X-Pack près de celui d'Alix, et partit dans le couloir.
La récréation est terminée, je regarde la cassette que Monsieur Vasnard nous passe en ce moment. La reproduction. Sujet intéressant et qui mérite qu'on s'y intéresse. Mais qui ne mérite pas tous les commentaires des garçons ! Ah si tout ce qui les intéressent c'est la sexualité, qu'ils aillent voir ailleurs. Je n'en ai rien à foutre de ce genre de mecs.
-Guillaume ! Tu peux arrêter de rire ? C'est normal ce qu'ils font, cela s'appelle une reproduction chez l'animal, alors s'il-te-plaît, arrête de me casser les oreilles !
–Oh, te fâche pas, Alix..
Et voilà, il se remet à rire.. Je suis d'accord, deux escargots qui s'accouplent ne me captivent guère. Mais est-ce une raison pour parler des choses ridicules durant la vidéo ? Autant écouter son MP3.. Tiens voilà ce que je vais faire. Hop, ouvrir discrétos le sac, attraper l'appareil, l'allumer... recherche fichier.. Tokyo Hotel.. Spring nicht ''Ne saute pas''.. J'ai très envie de sauter, tellement la vie m'énerve. Les garçons tellement débiles... Et toutes ces questions sans réponses.. La déprime qui te tombe dessus à n'importe quel moment.. Un jour, un de ces jours où je ne voulais plus parler, car je n'avais rien à dire, un de ces jours où on se demande pourquoi on existe si c'est pour souffrir sans en connaître la raison, Françoise m'a dit ''C'est l'adolescence,les garçons, les déprimes, les premiers amours, et mon poings dans la gueule si tu n'arrête pas de faire la tronche !'' J'avais explosé de rire à ce moment-là, et tout s'était arrangé. Les garçons, d'accord, il est vrai qu'en ce moment je passe beaucoup de temps avec eux, mais tout simplement parce que la compagnie des Fashions-Girls ne me passionne pas, d'autant plus qu'elle se moque de ma tenue. Qu'est-ce qu'elles ont contre mon style vestimentaire T-Shirt-Jeans-Basckets ? Que des bécasses celles-là. Les déprimes, ça c'est vrai, les premiers amours par contre, très peu pour moi ! Je garde ma bande de copains, mais je ne 'sors' avec aucun d'antre eux. Sortir avec quelqu'un.. Les Fashions-Girls changent de ''petit ami'' toutes les semaines. On dirait que c'est une habitude pour elles. Et puis leurs copains, c'est que parce qu'elles ont de ''belles formes'' qu'ils sont avec elles. Moi je m'aime comme je suis, et les autres aussi, Fred avec ses lunettes, Guillaume avec ses blagues de blondes, Françoise avec son humour délirant et son optimisme à toute épreuve, Tanguy avec ses cheveux ébouriffés.. Quand je dis qu'ils seraient mieux plus longs.
–Alix, moins fort le son ! Le prof va t'entendre !
–Ok ok Françoise..
Tiens, la cassette est finie. Ça fait du bien que ce soit terminé, les garçons sont moins excités. Fin de la journée, je dis bye bye tout le monde, à demain. Je monte dans le bus, montre ma carte, vais m'asseoir au fond, non, devant, le fond c'est la place des chahuteurs. En voilà un gros troupeau, apparemment. C'est ça, allez vous asseoir loin de moi.
J'aime le bus, mais je plains le chauffeur. Obligé d'endurer les caprices de tous les gamins que nous sommes.. Mais le bus favorise aussi les rencontres. Entre moi et Tanguy par exemple. Il s'est assis à côté de moi et comme notre trajet dure une demi-heure, nous eûmes les temps de faire connaissance.
Pour Fréderik, c'est différent, nous étions déjà dans le même berceau quand la nounou nous gardait. C'est un ami d'enfance et de toujours, qui habite près de chez moi.
–Eh la meuf, tu pousses ton cul, t'es assise sur ma place !
–Mais oui c'est ça, va t'faire voir. Depuis quand les connards comme toi m'piquent ma place ? Clochard !
Quel langage.. C'est à se demander à quoi servent les cours de français. Allez, plus qu'un arrêt et c'est ma maison...
Boulevard Blake Schwarz, arrêt et descente. Numéro 3, j'ouvre la porte et je vais me réfugier dans la chambre avec un bon livre, Endymion Spring, de Matthew Skelton, cadeau d'anniversaire. Je ne saute pas sur le lit, vu que la dernière fois il s'est cassé en deux, au grand malheur de ma mère. Je me cale dans l'oreiller et commence ma lecture.
Des pas approchent. Maman a du se rendre compte que je suis rentrée, elle a quitté ses leçons de mathématiques pour monter me voir.
–Courrier ! C'est encore Shivan !
Je reçois une lettre sur la tête mais ne bouge pas. Maman repart. Je relève la tête et crit :
–Shivaneee !
En effet, mon correspondant anglais à un nom de fille pour nous, les français. Mais cela lui va bien je trouve. Shivan, qui se prononce 'Shivane', a quinze ans et est déjà en seconde. Nous nous envoyons des lettres depuis le début de l'année scolaire, lui pour apprendre le français, et moi pour m'améliorer en anglais.
J'ouvre la lettre :
My dear Alix,
How are you ? Me, i'm fine ! It's because my father has said yesterday we will go to France soon ! It's fantastic ! I will can see you ! My family want to meat yours, whithout forget Frederik ! How is he ? You speak often about him. He should get married with you, no, i'm serious, he's your ideal ! ^^ ! Me, my best girl friend is Maeva, a girl very likeable and funny, but it's not my girlfriend, in first because i'm not in love her, ans too because i'm too shy.. It's one of my defect. So, I must to sleep, and I finish your letter, in this words :
Merry christmas Alix ! [I know, it's in five days, but I'm not sur if I can to send a other letter before Christmas.]Joyeux Noël Alix !
Good Bye !
Shivan
PS : Do you like Green Day ? It's American rock group. I will bring a CD, ok ?
Euh..Yes, but i have not all understood !
Alix se leva et descendit dans le garage, dans lequel se trouvait un jeune homme aux cheveux noirs et aux yeux sombres qui trafiquait la trotinette électrique qui lui servait de tranport. Il se tourna vers elle en l'entendant entrer.
–Hello baby ! Ça va ?
–Arrête ! Tu sais très bien que je ne suis pas un bébé ! J'ai 14 ANS !
–Ttt..bon salut Alix, quel est le problème ?
–Quel problème ? J'ai dit qu'il avait un problème ?
–Ça se voit sur ton front, pigeon !
–Ah ah ah.. en fait, Shivan m'a envoyé une lettre..
–Il t'as dit qu'il t'aime et tu ne sais pas quoi répondre ?
–Mais noon ! Qu'est-ce que tu peux être nouille quand tu veux toi ! Je ne comprend pas tout dans la lettre, c'est tout en anglais.
–D'accord, la prochaine fois trouve un correspondant chinois..
Alix lui fit les gros yeux et il soupira.
–Montre moi ça, ton frangin va s'en occuper.
–Mon frère ? Quel frère ?
–Celui qui est devant toi patate !, répondit-il en lui ébourrifant les cheveux.
–Toi, mon frère ? Non c'est pas possible il doit y avoir une erreur.
–T'as intérêt à courir vite si tu veux pas que l'erreur te mette en morceau !
Alix remonta du garage et se précipita, suivie par son frère, dans la chambre de sa mère. Celle-ci était en train d'écrire un cours pour les quatrième qu'elle avait, car Grâce Bernadot était proffesseur de mathématiques au collège d'Alix. Elle passait des heures à corriger des copies ou à préparer des leçons, et n'était pas souvent disponible, le reste du temps elle se reposait car les élèves lui menait la vie dure. Son fils savait faire la cuisine pour la famille, s'occupait de sa petite soeur et cherchait un travail pour l'aider à payer le loyer de leur maison. En effet, depuis le départ de monsieurs Bernadot, il y a neuf ans, le manque d'argent se faisait ressentir et durant toutes les années qui avaient suivies, sa femme avait essayé de trouver une solution. Sans succès. Ils avaient tellement de dettes à rembourser.. Le père, avant de les quitter, avait dilapidé leur fortune, contractant ainsi les dettes qui empêchait sa famille de vivre sans s'inquiéter chaque jour qu'on vienne leur demander encore et encore plus d'argent. C'était une des raisons pour lequelles Alix n'avait pas de vêtements de marques, trop cher ( pour ce que ça vaut, avait-elle dit) pour que Grâce puisse les acheter pour sa fille. Mais celle-ci s'en fichait bien, pour ce qu'elle faisait avec.. Comment jouer au foot correctement avec une tenue de poupée barbie ? Alix était donc parfaitement heureuse.
Grâce était en train d'écrire un test sur le théorème de Pythagore quand sa fille lui attrapa le bras et dit :
–M'man ! Lionel dit veut me découper en rondelles !
–C'est pas vrai ! répliqua son frère en riant! Elle ne comprend pas toute la lettre de Shivan alors je lui propose de la traduire, et elle s'en va en courant !
–Oh s'il-vous-plaît, allez jouer ailleurs, dit Grâce sans lever les yeux de sa feuille.